
Je chanterai d’après un graduel de 1847: Graduel romain, imprimé par ordre de Mgr Godefroy Saint-Marc, évêque de Rennes.
Après la Révolution, à l’orée du XIXe siècle, les liturgies particulières sont très répandues en France. Le Concordat, redécoupant les diocèses sans égard pour les usages locaux, exprime une volonté d’unification pour participer à l’unité catholique autour de Rome, unification rendue difficile depuis la Révolution. Hésitant entre rites romain et parisien, le Concordat préconise finalement le premier sans pour autant l’imposer.
Alors que la signature du Concordat engageait à l’adoption de la liturgie romaine, seuls douze diocèses sur quatre-vingt célèbrent l’office romain en 1830. Le chant est quant à lui délaissé depuis la suppression des maîtrises et l’absence ou la rareté des livres de chant ajoute à sa situation instable. La romanisation du chant est pourtant une étape importante pour la finalisation de l’unité liturgique.
À partir du décret du 7 germinal an XIII (28 mars 1805), l’impression et la réimpression des livres d’église sont soumises à l’approbation des évêques. Cela entraîne le développement d’une certaine concurrence entre imprimeurs autorisés et non autorisés. La multiplicité des rites induit des problèmes commerciaux, car l’exploitation de l’édition d’une liturgie est difficilement rentable puisque valable seulement pour quelques paroisses. Pourtant chaque année à partir de 1846, au moins une édition du bréviaire romain sort des presses des principaux imprimeurs religieux. Le passage au romain n’est pour autant pas toujours simple, en particulier dans les diocèses imprégnés d’un fort attachement à leurs singularités (Paris et Lyon notamment)
En ce qui concerne les éditions de chant romain, les travaux s’engagent seulement à la fin des années 1840 et se développent à l’initiative de commissions diocésaines telles Rennes, Dijon, Dignes, Reims-Cambrai. Elles s’appuient alors chacune sur les travaux musicographiques et font appel à Nisard, Fétis, Danjou et plus tard Clément. Chacun de ces musicographes souhaite doter les diocèses unifiés de la meilleure édition de chant romain, considéré comme le véritable chant de l’Église, le plus authentique.
L’édition de Rennes est liée à la nomination de Godefroy (de) Brossay (de) Saint Marc[i] en 1841 comme successeur du gallican Lesqueu. Ce nouvel évêque, favorable à l’unification romaine, annonce le changement de liturgie en 1843 ; cependant les travaux de la commission liturgique au sujet du chant n’aboutissent qu’en 1847.
Or, le résultat consiste en une édition de chant romain qui ne convainc certainement pas complétement car elle est révisée et publiée dans une nouvelle version l’année suivante. Pour autant, celle-ci ne satisfait encore pas la commission. Pour revoir une deuxième fois l’édition, Nisard est appelé en tant que spécialiste. La troisième édition, supervisée par le musicographe, paraît en 1853 et une dernière version révisée, toujours sous le regard de Nisard, est publiée l’année suivante. Pourtant, réalisation pratique d’un travail scientifique, cette édition n’est que rarement évoquée dans les écrits du musicographe. [2]
Le plain-chant du graduel de 1847 est caractérisé par une accentuation de la tendance égalisatrice, des ralentissements, même des alourdissements et une uniformisation du rythme chanté. C'est un bel exemple d'un type de plain-chant simple qui relève des compétences d'un chantre de la campagne, un chantre au milieu d'un nouveau siècle qui a presque oublié les anciennes habitudes prérévolutionnaires mais qui n'est pas encore habitué au nouveau style.
[i] (1803-1878, Rennes) Évêque, puis archevêque de Rennes (1859), il est créé cardinal par le pape Pie IX.
Il naquit à Rennes au sein d'une honorable famille de la bourgeoisie négociante, propriétaire du château du Boschet à Bourg-des-Comptes.
[2] Amelie Porret-Dubreuil. Contribution à l’étude de la restauration de la musique à l’église au xixe siècle au prisme de l’expérience de Félix Clément (1822-1885). Musique, musicologie et arts de la scène. Université de Lyon, 2016.
Après la Révolution, à l’orée du XIXe siècle, les liturgies particulières sont très répandues en France. Le Concordat, redécoupant les diocèses sans égard pour les usages locaux, exprime une volonté d’unification pour participer à l’unité catholique autour de Rome, unification rendue difficile depuis la Révolution. Hésitant entre rites romain et parisien, le Concordat préconise finalement le premier sans pour autant l’imposer.
Alors que la signature du Concordat engageait à l’adoption de la liturgie romaine, seuls douze diocèses sur quatre-vingt célèbrent l’office romain en 1830. Le chant est quant à lui délaissé depuis la suppression des maîtrises et l’absence ou la rareté des livres de chant ajoute à sa situation instable. La romanisation du chant est pourtant une étape importante pour la finalisation de l’unité liturgique.
À partir du décret du 7 germinal an XIII (28 mars 1805), l’impression et la réimpression des livres d’église sont soumises à l’approbation des évêques. Cela entraîne le développement d’une certaine concurrence entre imprimeurs autorisés et non autorisés. La multiplicité des rites induit des problèmes commerciaux, car l’exploitation de l’édition d’une liturgie est difficilement rentable puisque valable seulement pour quelques paroisses. Pourtant chaque année à partir de 1846, au moins une édition du bréviaire romain sort des presses des principaux imprimeurs religieux. Le passage au romain n’est pour autant pas toujours simple, en particulier dans les diocèses imprégnés d’un fort attachement à leurs singularités (Paris et Lyon notamment)
En ce qui concerne les éditions de chant romain, les travaux s’engagent seulement à la fin des années 1840 et se développent à l’initiative de commissions diocésaines telles Rennes, Dijon, Dignes, Reims-Cambrai. Elles s’appuient alors chacune sur les travaux musicographiques et font appel à Nisard, Fétis, Danjou et plus tard Clément. Chacun de ces musicographes souhaite doter les diocèses unifiés de la meilleure édition de chant romain, considéré comme le véritable chant de l’Église, le plus authentique.
L’édition de Rennes est liée à la nomination de Godefroy (de) Brossay (de) Saint Marc[i] en 1841 comme successeur du gallican Lesqueu. Ce nouvel évêque, favorable à l’unification romaine, annonce le changement de liturgie en 1843 ; cependant les travaux de la commission liturgique au sujet du chant n’aboutissent qu’en 1847.
Or, le résultat consiste en une édition de chant romain qui ne convainc certainement pas complétement car elle est révisée et publiée dans une nouvelle version l’année suivante. Pour autant, celle-ci ne satisfait encore pas la commission. Pour revoir une deuxième fois l’édition, Nisard est appelé en tant que spécialiste. La troisième édition, supervisée par le musicographe, paraît en 1853 et une dernière version révisée, toujours sous le regard de Nisard, est publiée l’année suivante. Pourtant, réalisation pratique d’un travail scientifique, cette édition n’est que rarement évoquée dans les écrits du musicographe. [2]
Le plain-chant du graduel de 1847 est caractérisé par une accentuation de la tendance égalisatrice, des ralentissements, même des alourdissements et une uniformisation du rythme chanté. C'est un bel exemple d'un type de plain-chant simple qui relève des compétences d'un chantre de la campagne, un chantre au milieu d'un nouveau siècle qui a presque oublié les anciennes habitudes prérévolutionnaires mais qui n'est pas encore habitué au nouveau style.
[i] (1803-1878, Rennes) Évêque, puis archevêque de Rennes (1859), il est créé cardinal par le pape Pie IX.
Il naquit à Rennes au sein d'une honorable famille de la bourgeoisie négociante, propriétaire du château du Boschet à Bourg-des-Comptes.
[2] Amelie Porret-Dubreuil. Contribution à l’étude de la restauration de la musique à l’église au xixe siècle au prisme de l’expérience de Félix Clément (1822-1885). Musique, musicologie et arts de la scène. Université de Lyon, 2016.