CLEMENS NON PAPAJacobus Clemens non Papa
( Jacobus Clement ou Jacques Clément ) né vers 1510-1515 et mort en 1555 ou en 1556 . Le sobriquet ‘non papa’ apparaît pour la première fois en 1542, date à laquelle fut achevé le chansonnier, composé de livrets à parties séparées, du marchand flamand Zeghere van Male (voir tête de cette page), où figure une chanson de Clemens, Je prens en gré (publiée déjà à Paris en 1539, mais sans l'attribution, donc anonyme). Dès 1545, le sobriquet apparaît dans des ouvrages imprimés, notamment chez l'imprimeur Susato à Anvers. Chez lui le compositeur est toujours appelé « [Jacobus] Clemens non papa » (« [Jacques] Clément, pas le Pape ! »),reliant le sobriquet avec ce qui aurait été son nom d'origine en néerlandais: Jacob Clement. |
Belgica?
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On ne sait rien de sa jeunesse et les données sur les années de sa maturité artistique sont incertaines. Il naquit apparemment quelque part en Belgique ou aux Pays-Bas actuels. Une épigramme dans Sacræ aliquot cantiones (1575) de Jacob Meiland se réfère à Belgica terra comme à la patrie natale de Clemens, mais Sweertius, dans Athenæ Belgicæ (1626), décrit le compositeur comme un Batavus; peut-être voulait-il désigner par-là la province actuelle de Hollande-Mériodionale, mais certains historiens, dont Jacobus Eyendius en 1600, considéraient la Zélande aussi comme une partie intégrante de la région batave.
Probablement la première mention de son nom et/ou de ses activités date de la fin des années 1530, lorsqu'à Paris l'imprimeur Attaingnant publia d'un certain Clement quelques chanson, qui sont plus tardivement attribué a Clemens non Papa. |
brughes |
Entre mars 1544 et juin 1545, il fut attaché comme succentor (maître de chant) à la future cathédrale Saint-Donatien de Brughes. Le 12 mars 1544, les actes du chapitre de l'église mentionnent Jacobus Clement Pbro (pbro = presbyter = prêtre), et, le 26 mars, il fut nommé « per modum probæ » (à titre de preuve). Le fait qu'il dut passer un examen d'aptitude indique qu'il était à peine connu. Il honora le saint patron de cette église par la Missa ‘Gaude lux Donatiane’.
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mancipium suspectum
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A Bruges Clemens reçut l’ordre de ses supérieurs de ne pas emmener les enfants de chœur dans les ‘maisons des laïcs’. D’autant plus, il avait vécu avec ce que les documents appellent un "mancipium suspectum". Mancipium signifiait esclave ou serviteur, mais était également utilisé comme l'un des nombreux mots pour prostituée. Cela ne signifie pas nécessairement que la personne était plus susceptible d'être d'un sexe plutôt que d'un autre. Les prostituées féminines étaient habituellement appelées scortum (peau de cuir), et ce terme est également neutre. Or, le mot mancipium est jamais utilisé dans les documents d'archives, mulier suspecta est plus courant. Quoi qu'il en soit, un autre document de l’époque appelle sans équivoque le mancipium une femme. A. C. de Schrevel, dans son Histoire du séminaire de Bruges (1895), a supprimé avec une précision chirurgicale les deux sous-alinéas concernant le mancipium suspectum : Clemens doit être tenu à l'écart de toute suggestion qu'il a cohabité avec une courtisane. Néanmoins, il a reçu pourtant l'ordre de trouver un endroit où vivre avec des "bons hommes”.
Voici la réprimande de Clemens, dès la première semaine de janvier 1545 : |
Actes du chapitre de saint Donatien, fol. 117r; première semaine de 1545; document découvert par moi 7 juillet 2015
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Succentor introvocatus increpatur et obiurgatur propter nonnullos publicos rumores qui cum multorum scandalo in natalibus contigerunt in domo Andree Zoetart sui hospitis et extra eam in via publica, occasione sui suspecti mancipij tunc in eadem domo convivantis, iniuncto sibi quod eandem mulierem penitus abijciat, seque alacriorem ad chorales, tam in bonis moribus quam etiam in musica instruendos, preberet, neque deinceps serotino tempore cum illis domos laicorum frequentare presumerit.
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Après avoir appelé le successeur, [Clemens] a été réprimandé et réprimandé à cause de plusieurs événements publiquement répandus qui ont eu lieu, au détriment spirituel de beaucoup, pendant Noël dans la maison d'Andreas Zoetart, son hôte, et à l'extérieur sur la rue, occasionnée par son suspectum mancipium qui à ce moment-là festoyait joyeusement dans la même maison, avec [Clemens] étant enjoint de rejeter complètement la même femme, et de se montrer plus facilement engagé envers les enfants de chœur, à la fois en les instruisant en bonne morales aussi bien qu'en musique, de sorte qu'il n'osera plus, plus tard, fréquenter avec eux les maisons des laïcs.
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philippe ii De croÿ |
Il est possible qu'en 1545, Clemens ait été nommé maître de chapelle à la cour de Philippe de Croÿ, duc d'Aerschot et général de Charles Quint, car il existe une référence au compositeur dans la Généalogie de la Croÿ de Jean Scohier (Douai 1589):
(...) son cour a Beaumont (…) auquel fut rechut l'Empereur Charles le Quint l'an 1540. (…) en son Palais estant le maistre d'icelle Clemens non Papa, des plus renommez de son temps (...) Le motet funéraire, O quam moesta dies, de Clemens non Papa célèbre la mémoire du duc, décédé le 2 avril 1549 à Bruxelles. Trois autres motets politiques,ou « d''Etat » permettent de présumer que Clemens fréquenta la cour de Charles Quint dans le cortège du duc entre 1545 et 1549. |
BOIS-le-duc
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En 1550, du 1er octobre jusqu’au 27 décembre, Clemens fut employé comme chanteur et compositeur à la confrérie mariale de Bois-le-Duc (Illustre Lieve Vrouwen Broederschap). Le motet en l'honneur de Notre Dame qu'il offrit à la confrérie à son départ est sans aucun doute l'Ego flos campi à sept voix, sur un texte du Cantique des Cantiques. Les mots « sicut lilium inter spinas », qui avaient subi un traitement homophone considérable, formaient la devise de la confrérie mariale, et l'utilisation de sept voix – à peu près unique dans l'œuvre de Clemens - incarne le nombre symbolique et marial sept.
27 december 1550
Item Clementem om dat hy der broederscappen geoffereert heeft een moutet ter eeren onser liever vrouwen, ende der broederscap, gemaect, ende met oick dat dit syn afscheyt was, alsoe den selven gegeven iij gulden Remis à Clemens pour avoir fait don à la Fraternité d'un motet en l'honneur de Notre-Dame et de la Fraternité, et comme il s'agissait aussi de ses adieux, trois florins lui ont été remis. |
Leiden/leyde ? |
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"grant
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Dans une lettre envoyée de Graz et datée du 27 janvier 1553, l'archiduc Maximilien informa Philippe III de Croÿ qu'il envoyait le « maître de chapelle du Roy » aux Pays-Bas, car il voulait fonder sa propre chapelle musicale. Maximilian avait également besoin de deux Kapellmeister et voulait que « maître Clément » soit l'un d'entre eux. Comme Maximilien craint que le compositeur décline l'offre, il demande à son cousin, Philippe de Croÿ, d'intervenir si nécessaire. Philippe était clairement gêné par la demande de Maximilien et il a attendu le 13 mai avant d'envoyer une réponse. Il pensait que Clemens n'était pas la personne appropriée pour servir l'archiduc et pour cette raison il n'entreprendra pas chercher le compositeur. Il savait apparemment où se trouvait Clemens, et il présumait que le compositeur aurait accepté le poste s'il avait reçu la proposition. De Croÿ justifie sa décision en des termes sans équivoque : Clemens est un ivrogne invétéré (grant ivroigne) et mène une mauvaise vie (mal vivant). Ces derniers mots signifient probablement que le compositeur, qui était prêtre, vivait avec une femme (ou pire…). Le 10 juin 1553, Maximilien écrit à nouveau à De Croÿ disant qu'il ne s'intéresse plus à Clemens. |
ultimum
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L'année de la mort de Clemens a constitué un sujet de controverse. Il existe plusieurs raisons de croire qu'il mourut en 1555 ou en 1556. Bien qu'il soit toujours répertorié comme un compositeur vivant dans la Practica musica (1556) de Hermann Finck, un manuscrit copié à Anvers en 1564-1566, contient son motet Hic est vere martyr avec l'annotation latine « Ultimum opus Clementis non Papæ anno 1555 21 aprilis » (« Dernière œuvre de Clemens qui n'est pas le Pape, du 21 avril 1555 »). |
Souter-
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Des 159 Souterliedekens (psaumes néerlandais), imprimés dans les années 1556-1557 en quatre volumes chez Susato, dix sont en effet de Susato lui même. Les autres harmonisations sont de Clemens.
Sur la base des textes choisis par Clemens et de ses harmonisations des psaumes en néerlandais, l'éminent musicologue Edward Lowinsky a avancé que le compositeur était peut-être un sympathisant du protestantisme, mais les liens supposés avec la famille de Croÿ, profondément catholique, et les nombreux textes liturgiques qu’il mettait en musique, semblent plutôt contredire cette assertion. En 1556 d'ailleurs, la première des messes de Clemens (Missa Misericordia, basée sur deux de ses propres chansons) fut également publiée, avec une dédicace écrite par l'éditeur Pierre Phalèse, dont la grande majorité de ses productions est consacrée à la musique sacrée pour l'Eglise Catholique Romain; messes, motets et magnificat. Il est d'autant plus à noter que les psaumes en néerlandais de Clemens échappèrent à l'interdiction de 1569, lorsque le gouvernement du duc d'Albe s'occupait à censurer tous les livres réputés hérétiques. |
violentia
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Les circonstances de la mort de Clemens sont inconnues. En 1558 Jacobus Vaet publia à Nuremberg une déploration sur la mort de Clemens, Continuo lacrimas, dont un fragment du texte suggère que ce compositeur aurait trouvé une mort violente, sans parler d'ailleurs des circonstances où celle-ci serait survenue.; « inclemens vis ac violentia fati »
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DIxmude ? |
Selon le chanoine Antoine Sandérus/Antoon Sanders (1586-1664), dans son chef d'œuvre Flandria subalterna (1641-1644), Clemens aurait été enterré à Diksmuide (Dixmude) près d'Ypres, en Belgique actuelle. |
Les œuvres de Clemens non Papa qui nous sont parvenues sont les suivantes :
15 messes dite 'parodie'
2 mouvements de messe (un Kyrie Paschale à 5 voix et un Crédo à 8 voix)
1 Missa Defunctorum.
2 cycles complètes de 8 Magnificat.
233 motets
109 pièces profanes
dont 90 chansons françaises
9 chansons néerlandais
8 pièces sans paroles
2 chansons en tablature.
159 psaumes et cantiques néerlandais (les Souterliedekens)
15 messes dite 'parodie'
2 mouvements de messe (un Kyrie Paschale à 5 voix et un Crédo à 8 voix)
1 Missa Defunctorum.
2 cycles complètes de 8 Magnificat.
233 motets
109 pièces profanes
dont 90 chansons françaises
9 chansons néerlandais
8 pièces sans paroles
2 chansons en tablature.
159 psaumes et cantiques néerlandais (les Souterliedekens)